Augmentation plus rapide du CO2 dans l'atmosphère

Résumé d'un article paru dans Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS) : Contributions to accelerating atmospheric CO2 growth from economic activity, carbon intensity, and efficiency of natural sinks, Josep G. Canadell et al, PNAS, 10. 1073 (25 octobre 2007)


Depuis 1750, la concentration en dioxyde de carbone (CO2) augmente régulièrement dans l'atmosphère, passant de 280 ppmv avant l'ère industrielle à 381 ppmv en 2006. Cette augmentation s'est accélérée depuis le milieu des années 1960 et continue d'accélérer. Entre 1970 et 1979, elle était de 1,3 ppmv par année, entre 1980 et 1999 autour de 1,55 ppmv par année, et entre 2000 et 2006, elle atteignait la valeur de 1,9 ppmv par année.

 

Évolution de la concentration atmosphérique en dioxyde de carbone entre 1850 et 2006



Trois facteurs expliquent cette accélération :
- une augmentation des émissions de carbone, qui dépasse les prévisions les plus pessimistes,
- une inversion de l'évolution du rapport "emission de carbone/croissance économique",
- une réduction de l'efficacité des puits naturels du carbone.

L'augmentation des émissions de carbone

Les émissions de CO2 dues à l'utilisation des énergies fossiles augmentent au-delà des prévisions les plus pessimistes des différents scénarios du GIEC établis en 2000. Par exemple, en 2006, les émissions ont atteint 8,4 milliards de tonnes de carbone, alors que les pires scénarios prévoyaient 8 milliards de tonnes.

 

Émissions de dioxyde de carbone dues à l'utilisation des énergies fossiles entre 1990 et 2006

 

L'inversion de l'évolution du rapport émission de carbone/croissance économique

Si, chaque année, on divise les émission de CO2 due à la combustion des énergies fossiles (en milliards de tonnes de carbone) par la somme des produits nationaux bruts (en dollars américains, appelée aussi "produit mondial brut"), on obtient un taux, que l'on peut appeler "le poids du carbone sur l'économie globale". En gros, ce rapport permet de connaître la masse d'énergie fossile à brûler (en kilogrammes de carbone) pour une croissance économique de 1 dollar.

Entre 1970 et 2000, ce taux a baissé ; ce qui signifie que l'on pouvait très bien être en croissance économique en brûlant moins d'énergie fossile. Or, depuis 2000, ce taux ne diminue plus et commence même à augmenter ; ce qui signifie que si nous voulons rester en croissance économique, nous devons forcément brûler plus d'énergie fossile. Jusqu'à présent, la stabilisation de ce taux n'était pas prévu dans les scénarios économiques.

Évolution du poids du carbone sur l'économie globale entre 1970 et 2006

En 1970, brûler 0,35 kg de carbone en énergie fossile permettait de produire 1 dollar américain de richesse.
En 2000, il ne fallait plus brûler que 0,24 kg de carbone pour produire la même richesse.
Depuis 2000, on tourne autour de la même valeur.

 

La réduction de l'efficacité des puits naturels du carbone

Si l'on ajoute la quantité de CO2 libérée par l'utilisation des énergies fossiles depuis le début de la révolution industrielle à la quantité présente dans l'atmosphère avant cette révolution industrielle, on obtient une valeur supérieure à la quantité de CO2 actuellement présente dans l'atmosphère.

Quantité de CO2 présente dans l'atmosphère avant la révolution industrielle : 600 milliards de tonnes de carbone
Quantité de CO2 libérée par l'homme par la combustion des énergies fossiles : 330 milliards de tonnes de carbone
Quantité de CO2 présente dans l'atmosphère en 2006 : 816 milliards de tonnes de carbone

or

Quantité de CO2 présente avant la révolution industrielle + quantité de CO2 libérée par l'homme = 600+330 = 930 milliards de tonnes de carbone.

Il manque donc dans l'atmosphère : 930-816 = 114 milliards de tonnes de carbone, sous forme de CO2

(on doit ajouter à ces calculs la libération de CO2 due à la déforestation et aux autres changements d'utilisation des sols. On estime ainsi que 158 milliards de tonnes de carbone supplémentaires, sous forme de CO2, ont été rejetées dans l'atmosphère depuis 1750. Il manque donc 114+158=273 milliards de tonnes de carbone sous forme de CO2 dans l'atmosphère.).

Ceci signifie qu'une part du CO2 libérée par les activités industrielles est absorbée quelque part dans la nature. Les responsables de cette absorption sont la végétation terrestre et les océans. Ainsi, entre 2000 et 2006, 45% du CO2 émis par la faute de l'Homme restait dans l'atmosphère, 30% était absorbé par la végétation terrestre et 24% était absorbé par les océans. Cependant, ces capacités d'absorption diminuent : en 2000, pour une tonne de CO2 émise, 600 kg étaient absorbés ; en 2006, pour une tonne de CO2 émise, seulement 550 kg sont absorbés. Et cette quantité semble encore diminuer...